
Auteur, poète... ces mots ne sont pas pour moi. Je préfère jardinier. Un jardinier de mots, pour être plus précis, qui pourrait ressembler à ce jardinier de Seurat, penché sur son travail de terre et de fleurs, faisant comme une révérence au malicieux mystère de la vie. Comme lui, je travaille, en amateur, mon petit lopin d’infini. Je fais ce que j’ai toujours aimé depuis que j’ai appris à le faire : écrire.
Écrire. Comme on trace une allée conduisant à ce banc de pierre adossé à un mur où le lierre indique fidèlement la direction du ciel. Écrire, comme on s’assiérait sur ce banc, pour contempler la lumière du soir, douce et vibrant simultanément dans les mots soir et lumière, et les mille nuances d’amour glissant entre les quatre lettres du mot ciel.
Écrire, encore, comme on sème à la volée, dans la terre blanche des pages du silence, des graines de rêves. Passe l’hiver, on les oublie, et puis un jour de printemps, soudain on s’émerveille : d’incroyables étoiles de couleur constellent les platebandes de nos voyages intérieurs et du temps qui a passé. C’est qu’il faut aussi être un peu fou, comme tous les jardiniers, pour ne jamais se lasser de l’infinie fécondité des fleurs de mots et du plaisir de leur partage.
illustration : le jardinier (G. Seurat)